L'environnement , alibi de l'UE ?
Rien de tel que l’écologie, en effet, pour faire oublier le désastre social des politiques européennes et laisser croire au citoyen que l’on se soucie de son bien-être et de celui des générations futures. M. José Manuel Barroso ne dit pas autre chose lorsqu’il estime le sujet « important sur le plan politique, parce que cela peut réconcilier l’Europe avec les nouvelles générations qui parfois ne se reconnaissent pas dans notre action » (1). C’est ainsi que les délégués européens, puisant leur inspiration dans le succès de M. Al Gore, ne ménagent pas leur peine pour paraître « en pointe du combat pour le climat » à chaque sommet où ces questions figurent à l’ordre du jour. Il y a fort à parier que le camouflet du traité de Lisbonne annonce un redoublement d’activité en la matière, et ce dès le début de la présidence française de l’Union.
Malheureusement, les déclarations d’intention ne peuvent se substituer à un bilan objectif des politiques menées. Et c’est bien là que le bât blesse. Si l’Europe avait à subir un audit environnemental, ce dernier montrerait à quel point ses choix ont contribué à la destruction des écosystèmes en donnant une priorité absolue à la concurrence libre et soi-disant non faussée.
Très bien structurés, les lobbies ont en effet su forger la réglementation communautaire en fonction de leurs intérêts, l’institution répondant avec un zèle remarquable à leurs attentes. Pour la table ronde des industriels européens (ERT), puissante organisation patronale, il est évident que « les meilleurs accords sont ceux proposés par l’industrie » (2). Dès lors, on comprend mieux la grande timidité de certains textes, à l’image du programme REACH sur les produits chimiques, remodelé par les grands groupes privés pour échapper à une contrainte trop forte. On comprend aussi que le programme de développement des transports adopté par l’UE reprenne très largement le rapport de l’ERT sur le sujet, qui prône un développement autoroutier massif, la création de nouveaux aéroports et de lignes à grande vitesse, afin de satisfaire « le marché ». Ou que le brevetage du vivant soit maintenant autorisé pour le plus grand bonheur des marchands d’organismes génétiquement modifiés (OGM).
C’est d’ailleurs dans le domaine agricole que l’imposture écologique de l’Union est sans doute la plus criante. En dépit de sa croisade pour le climat, elle continue à consacrer 50 milliards d’euros à une Politique Agricole Commune destructrice de l’environnement, engraissant toujours les exploitations intensives. Non contente de promouvoir le productivisme, l’UE s’attache par ailleurs à dénaturer l’agriculture biologique. Le règlement 834/2007 qui entrera en application le 1er janvier 2009 introduit dans la bio un seuil de contamination par les OGM (0,9%) qui s’imposera à tous les Etats ! Dans le même temps, les annexes de la directive encadrant l’utilisation d’OGM sont toujours inappliquées pour ce qui touche à leur évaluation, les parodies d’études présentées par les multinationales étant encore, à l’heure actuelle, acceptées les yeux fermés.
Enfin, pour ne laisser aucune illusion sur ses réelles motivations, l’Union défend avec ardeur la bourse des droits à émettre des gaz à effet de serre, déjà théâtre de nombreuses manoeuvres spéculatives. Entre le marché libre et la contrainte réglementaire, le choix est ainsi fait. Tant pis si l’efficacité n’est pas au rendez-vous, les rejets des entreprises concernées par ce système ne cessant de croître.
Face à cette réalité, la conclusion s’impose d’elle-même. L’Europe sociale n’existe pas ; l’Europe écologique non plus. Fondamentalement libre-échangiste, l’Union fonce dans le mur de la concurrence effrénée, où le pire est toujours gagnant d’un point de vue commercial, qu’il s’agisse de conditions de travail ou d’impacts écologiques.
Malheureusement, personne sur la scène politique française n’ose encore établir ce constat. Le tout nouveau Mouvement Politique d’Education Populaire (M’PEP) veut briser ce tabou et montrer la construction européenne telle qu’elle est : un outil au service des puissances financières. Alors, de deux choses l’une. Soit il est possible de la réformer rapidement, en profondeur, et ceux qui le pensent doivent nous expliquer comment. Soit il est trop tard, et il nous faudra sortir de cette Europe-là pour en construire une autre, radicalement différente, fondée sur des valeurs de solidarité, de coopération et de préservation des équilibres écologiques.
(1) Le plan d’action de la Commission européenne, 13 mars 2007, http://www.touteleurope.fr
(2) « Europe Inc. - Comment les multinationales construisent l’Europe & l’économie mondiale », Observatoire de l’Europe industrielle, AGONE, 2005.