Les plantes médicinales en danger

Publié le par roselyne

Les Plantes Médicinales, patrimoine de l’humanité, en danger !
 
 
En France, dans l’immense majorité des cas, les plantes médicinales sont vendues à des herboristes et industries, par des grossistes. Les producteurs n’ont pas de relations avec les utilisateurs.
 
SIMPLES (Syndicat Inter Massifs pour la Production et l’Economie des Simples) regroupe 70 producteurs qui vendent leur production, en direct ou par le biais de structures telles que la SICA Biotope, aux consommateurs ou en gros à une herboristerie située en Suisse. SIMPLES s’est créé il y a 20 ans, avec l’objectif d’appuyer des activités dans les zones de montagnes défavorisées. Il a notamment créé un cahier des charges de production des plantes aromatiques et médicinales en agrobiologie. Aujourd’hui, malgré un intérêt croissant tant des jeunes pour s’installer en production de plantes aromatiques et médicinales, que des consommateurs qui souhaitent renouer avec une médecine plus douce, les difficultés sont nombreuses, de par l’énorme perte de savoir-faire mais surtout les verrous réglementaires touchant la commercialisation de ces plantes.
 
Une diversité énorme de savoirs et de plantes, en voie de disparition…
 
En France, le métier de l’herboristerie a été supprimé depuis 1941. Dans le même temps les ordres des médecins et de la pharmacie sont créés. Pourtant les métiers de l’herboristerie et de producteurs de plantes médicinales et aromatiques reposent sur des savoirs colossaux et une diversité immense de plantes et d’usages. Les qualités d’une plante dépende du milieu où elle se trouve et du stade précis où elle est cueillie. De plus, pour une même plante, les parties de celles-ci peuvent avoir des vertus différentes. Ainsi la bourrache est à la fois un légume couramment consommé en Espagne et une plante médicinale aux vertus reconnues, qui sont différentes selon son stade de croissance et la partie de la plante utilisée : adoucissante, sudorifique, fébrifuge, diurétique,…. Tous les actes du producteur – cueilleur demandent donc une bonne connaissance du fonctionnement de la plante dans son milieu, et de l’être humain ou de l’animal qui va s’en servir. Or, il n’existe plus de formation reconnue en France. Les seuls vrais diplômés en herboristerie sont 80 en France et ont plus de 80 ans... La botanique quant à elle, n’est plus enseignée. En Allemagne et en Italie, il existe des formations mais pas de diplôme. Pourtant sur la planète, 80% de la population se soigne encore avec des plantes médicinales, tout comme plus de 90% de paysans utilisent des semences paysannes… Le résultat : les quelques producteurs de plantes médicinales en circuits courts sont maintenant les relais de ces savoirs, traditions et savoirs-faire liés à l’utilisation des plantes, malheureusement en voie de disparition rapide.
 
…remise en cause par une réglementation complexe et contradictoire
 
En France, les plantes médicinales et aromatiques relèvent avant tout de la législation des plantes de la pharmacopée : la commercialisation de ces plantes ou partie de plantes (racines, fleurs, etc.) est sous monopole de la pharmacopée et soumise à une procédure d’autorisation de mise sur le marché, comparable à celle existante pour les médicaments ou les produits phytosanitaires. En France seules 34 plantes sont dites « libérées » (décret n° 79-480 du 15 juin 1979) ce qui signifie que bien que dépendant de la pharmacopée, elles peuvent être commercialisées librement en tant qu’aliment ou condiment (camomille, menthe, tilleul, verveine,…). D’autres pays européens, comme l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique, la Grande Bretagne, l’Italie ont respectivement libéré 96, 341, 366, 400 et 1034 plantes médicinales, ce qui pose un problème au niveau du marché commun et continu qu’est l’Union européenne. La législation pharmaceutique européenne est en cours d’élaboration… Par ailleurs en France, la législation souffre d’une complexité qui la rend souvent inapplicable. Ainsi l’Asperge, l’Avoine, le Blé, le Café, le Maïs, le Riz, le Seigle, la Pomme de Terre, ou le Radis noir sont inscrites à la pharmacopée, ce qui interdirait en principe leur vente libre ! Inversement, de nombreuses plantes (même éventuellement toxiques) ne sont pas inscrites à la pharmacopée et donc se trouvent en vente libre… Bref toute la difficulté réside dans la manière dont on détermine la frontière entre un aliment, un condiment et un médicament alors que la nature a bien donné aux plantes toutes ses vertus, variables dans le temps et suivant la partie de plante concernée. Dans une récente et légitime tentative de mettre de l’ordre dans cette confusion ambiante, l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) a entrepris de réviser la liste des plantes inscrites à la pharmacopée en 2003. Il y aurait un plus grand nombre de plantes ou parties de plantes libérées, mais cela concerne peu de plantes indigènes connues pour leurs usages traditionnels (ex : la fleurs d’aubépine serait réservé à la pharmacie alors que le fruit serait libéré ! Il y aurait en plus une liste de plantes qui deviendraient purement et simplement interdites (même à la pharmacie !) comme la consoude et la bourrache. Cette dernière contient des traces de Pyrrolzine (hépatotoxique), mais cette toxicité n’apparaîtrait que par l’absorption de cette plante en gélule ou en poudre. L’usage traditionnel, par l’eau (infusion) n’extrait pas apparemment cette molécule. Cette plante est également utilisée comme aliment sans qu’il n’y ait jamais d’intoxication reconnue.
 
Enfin pour parfaire le tableau, il faut ajouter deux autres réglementations européennes en cours d’élaboration qui pourraient renforcer ou au contraire remettre en cause ces monopoles de commercialisation :
 
 La directive européenne « allégation » sensée définir comment décrire les effets d’un médicaments et produit de bien-être. En discussion depuis 2 ans, son élaboration est ardue du fait de grandes différences culturelles à ce sujet entre divers pays européens.
 
 La directive européenne (2002/46/CE du parlement européen et du conseil du 10 juin 2002) définissant ce qu’est un « complément alimentaire » : celle-ci est adoptée mais en retard de transposition en France. De plus cette directive ne concerne pour le moment que les vitamines et minéraux, les plantes dépendant toujours des réglementations et législations de chaque état.
 
Des enjeux économiques, sociaux, environnementaux et culturels énormes…
 
Il est bien évident que selon qu’une plante sera un « médicament », un « condiment » ou un « complément alimentaire », les enjeux économiques sont colossaux, puisque dans un cas, l’industrie pharmaceutique a le monopole total de la commercialisation.
 
Par ailleurs, une réglementation trop mécanique qui ignore la nature évolutive et diverse du vivant risque d’achever la perte de savoirs-faire déjà malheureusement bien amorcée comme on l’a vu. Et c’est justement la perte de savoirs de la phytothérapie traditionnelle qui peut occasionner des problèmes dans l’utilisation des plantes médicinales (ex : présentations des plantes en gélule). N’oublions pas non plus que les producteurs cueilleurs jouent un rôle non négligeable d’entretien de la biodiversité. Ils apprennent de plus à reconnaître le caractère bio-indicateur des plantes. Une réglementation trop restrictive menace ces producteurs et avec eux un mode de production utile environnementalement, culturellement et même socialement puisqu’il permet de vivre à de petits producteurs
 
… qui justifient une transparence et représentativité équilibrée dans l’élaboration de la réglementation.
 
L’enjeu est la reconnaissance des savoir-faire traditionnels dans la législation. Rappelons que la France est signataire de la Convention sur la biodiversité qui reconnaît la nécessité de préserver et valoriser les savoirs faire locaux. L’OMS a aussi reconnu depuis des années le travail des tradipraticiens. La France aurait du se doter d’une loi cadre les reconnaissant, ce qu’elle n’a toujours pas fait. L’absence de reconnaissance scientifique, de formation officielle, de réhabilitation du métier de l’herboristerie profite donc aujourd’hui à un seul secteur économique, l’industrie pharmaceutique, qui a par ailleurs des moyens sans commune mesure avec les producteurs cueilleurs et phytothérapeutes pour influer sur la réglementation, avec de nombreux experts. Dans ce contexte, il est légitime et indispensable que l’évolution de la réglementation se fasse en concertation avec les producteurs et utilisateurs concernés.
 
La législation actuelle française est donc obsolète dans le domaine des plantes médicinales, et la proposition de révision des listes des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée ne semble pas améliorer cette situation. Le libre accès aux ressources traditionnelles que sont les plantes ainsi que leurs usages traditionnels est donc menacé. Les producteurs de SIMPLES ayant appris ce projet ont réagi, et un groupe de réflexion réunissant des professionnels (producteurs, transformateurs,…), des chercheurs et professeurs (ethnobotanistes, pharmacologues,…), des associations, des représentants d’organisations mondiales (UNESCO), des consommateurs,… s’est créé. Une première rencontre a eu lieu à Montpellier en mai 2003. Suite à cette rencontre un travail d’argumentation a été fait et SIMPLES à envoyer un courrier à l’AFSSAPS. Cette réaction a révélée de nombreuses lacunes dans la proposition et le texte n’a pu être voté en juin comme il était prévu. Mais l’AFSSAPS travaille toujours sur ce projet et une nouvelle proposition de révision des listes devrait bientôt être votée. Il semble qu’il y ait peu de changement dans cette nouvelle mouture... SIMPLES a également fait circuler une pétition demandant une plus large consultation au sujet des plantes médicinales et la réhabilitation du diplôme d’herboriste. Cette demande n’a pas été retenue jusqu’à présent. Une seconde rencontre du groupe de réflexion a eu lieu en mars 2004. Le débat est loin d’être clos et il y a un manque flagrant d’information du grand public autant sur les plantes que sur les médecines non-conventionnelles telle que l’herboristerie traditionnelle. Les producteurs de SIMPLES informent le public sur leurs lieux de ventes et organisent des foire-débats autour des plantes médicinales, mais cela n’est pas suffisant et la nécessité de trouver des partenaires et des soutiens est aujourd’hui cruciale.
 
 source : Bernard Roth (SIMPLES) et Hélène Zaharia (Réseau SP)
 

Publié dans bio-diversité

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