Point de vue libanais sur le Moyen-Orient dans l ' Orient le Jour

Publié le par roselyne

Point de vue libanais  sur le conflit Israélo-palestinien dans le journal " L'Orient le jour " .

C'est le glas de l'axe arabe dit modéré que Jeffrey Goldstone et le gouvernement turc de Reçep Tayyip Erdogan ont d'une certaine façon sonné au cours des dernières semaines.

Le
magistrat sud-africain d'un côté et Ankara de l'autre ont administré une leçon inoubliable aux gouvernements arabes qui, sous le prétexte de favoriser le processus de paix, ont fini par céder complètement aux desiderata des États-Unis et abandonner toute véritable stratégie de confrontation avec Israël et ses visées hégémoniques.

En effet, tout en étant de confession israélite et donc lié à l'État hébreu par une forme d'affinité religieuse, comme sa propre fille l'a affirmé, Jeffrey Goldstone n'a pas hésité à condamner sans appel « le crime contre l'humanité » commis par Israël à Gaza au début de l'année. Un crime auquel le régime égyptien, l'une des pierres angulaires de l'axe dit modéré, a contribué par sa passivité et par son obstination à refuser d'ouvrir le terminal frontalier de Rafah.
Or au lieu de sauter sur l'occasion en or offerte par le rapport Goldstone pour prouver l'efficacité de la lutte politico-diplomatique contre les pratiques israéliennes, le gouvernement de Mahmoud Abbas, un autre pilier de la prétendue modération, a empêché sans états d'âme la condamnation d'Israël au Conseil des droits de l'homme de Genève, au nom d'un processus de paix qui demeure au point mort depuis plus d'une décennie, du fait du refus de l'État hébreu d'appliquer les accords d'Oslo.
De son côté, la Turquie, en voie de réconciliation avec la composante islamique de son identité et avec son passé ottoman depuis l'arrivée au pouvoir du Parti de la Justice et du développement, a été jusqu'à annuler des manœuvres militaires internationales pour empêcher les avions qui ont bombardé Gaza de survoler le Bosphore. Cette attitude courageuse n'est pas sans rappeler que le monde arabe modéré n'a pris aucune mesure de rétorsion contre Israël à la suite du carnage commis à Gaza.
Cet épisode vient rappeler le coup d'éclat de Reçep Tayyip Erdogan à Davos, lorsque le Premier ministre turc avait claqué la porte d'une conférence avec le président israélien Shimon Peres, traitant ce dernier de meurtrier, sans que le secrétaire général de la Ligue arabe, le sempiternel Amr Moussa, ne juge bon de quitter la tribune.
Depuis la mort de Yasser Arafat, l'édifice de la modération arabe est tombé en ruines. Et par les fissures qui lézardent ses murs, ce sont les autres, et nommément les adversaires historiques du monde arabe que sont les Turcs et les Iraniens, qui gagnent en influence sur la scène régionale, au détriment du Caire, Riyad, Bagdad et des autres capitales historiques du Moyen-Orient. L'axe modéré a perdu toutes ses cartes face aux États-Unis et à Israël. Or sans carte, nul ne peut s'asseoir à la table des négociations en espérant pouvoir en retirer quelque chose de bon.
À la lumière de ce constat, une question s'impose : l'effondrement de l'axe modéré est-il synonyme de victoire du camp des durs, des partisans de la résistance pour la résistance, de la guerre permanente, de la boucherie ouverte ?
Il est évident que non. Le camp des durs n'a pu libérer aucun mètre des territoires arabes occupés. Bien au contraire, ces forces n'ont réussi qu'à discréditer les causes arabes en Occident, favoriser la montée de l'obscurantisme et justifier les agissements des autocraties, sans remporter la moindre victoire face à Israël.
Les uns et les autres ont échoué. Et leur échec s'est répercuté sur leurs alliés sur la scène libanaise. Ni les amis locaux de la modération arabe et de l'Occident n'ont réussi à proposer une stratégie crédible face aux agressions permanentes d'Israël et à ses violations continues de la souveraineté libanaise ni les partisans de l'Iran et de la Syrie n'ont pu élaborer un plan de confrontation qui ne soit pas nuisible à l'édification de l'État et à l'indépendance du pays. La double faillite arabe s'est soldée par une banqueroute libanaise plurielle.
Si le Liban n'a fait que subir les effets de la débandade arabe, il pourrait être le laboratoire où le remède à cette désolation généralisée peut être concocté. Il s'agit aujourd'hui de réhabiliter le concept de résistance en élaborant une stratégie qui se serve des armes comme moyen de dissuasion, de la culture et de la diplomatie comme instruments d'attaque. Il s'agit d'abandonner toute velléité de neutralité mais aussi toute chimère d'engagement militaire. Il s'agit de revenir au fondement des causes libanaises et arabes, en rejetant toute forme de fondamentalisme. Il s'agit de respecter le droit international et les accords d'armistice, tout en s'offrant les moyens de (re)prendre les armes s'il le faut, pour défendre le pays. Il s'agit de (re)lancer le chantier de l'édification de l'État, tout en mettant des garde-fous à la branche militaire débridée du Hezbollah.
Or, ceci requiert un grand chantier de réflexion nationale autour des thèmes qui doivent fédérer les Libanais, à savoir la lutte non militaire permanente contre Israël, le refus de toute forme d'occupation étrangère et l'application des accords de Taëf. Mais les chantres de la résistance guévariste sont trop occupés à vouloir obtenir le ministère des Télécoms pour le gendre de Michel Aoun. Et les ténors de l'édification de l'État sont trop pris par leurs tentatives de rabattre le caquet aux premiers, même si ceux-ci devaient bloquer l'État en retardant la formation du gouvernement. Et pendant ce temps, Israël poursuit ses projets bellicistes, les modérés arabes subissent en silence, les durs gesticulent à grand bruit et nul ne parle plus au Liban de dialogue national.
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