Ecoutons-le et lisons-le ce cher Théodore Monod hélàs disparu

Publié le par roselyne

 Extrait    du livre Révérence à la Vie de Théodore Monod
(Conversations avec Jean-Philippe de Tonnac)


 " Les occasions de nous émouvoir ne manquent pas et pourtant rien ne nous a vraiment touchés.

Ni les mises en garde répétées des hommes de science, des intellectuels, des militants de toute conviction à propos de la situation jugée préoccupante où nous ont jeté nos sociétés de consommation et de profit - ces monstres froids que nous servons avec tant de zèle ! -; ni les mauvaises nouvelles dont se délectent les quotidiens et qui sont le temps fort du journal de 20 heures, lorsque nous partageons ensemble ce grand festin de souffrance et de morts; ni les menaces qui se rapprochent de nos cités, de nos maisons et bientôt de nos vies et qui nous laissent poursuivre, imperturbables, le même sillon, la même ornière comme les aveugles de Brueghel; ni même le témoignage de ceux qui ont marché sur la terre, aventuriers d'un monde bientôt perdu, et qui répètent à l'envi notre devoir de protéger cette incroyable oasis échappée des ténèbres; ni cette accumulation de faits, de preuves, d'images, de livres qui ajoutent encore et encore au poids de notre indifférence.

Comme un manteau de plomb sur nos épaules.

Pourquoi ne pas tendre la main, donner ce que nous avons en excès, marcher ensemble dans la rue, demander des comptes aux gouvernants, prendre les armes ? Pourquoi laissons-nous faire ? Et pourquoi l'espèce humaine disparaitra-t-elle demain peut-être sans avoir quitté sa chaise, son lit, son ordinateur alors que les Cassandres maculaient partout l'horizon d'un noir épais, poisseux, sans étoiles ?

N'y a-t-il rien à faire et faut-il se résoudre à penser que les français, que les Terriens dans l'ensemble, pour reprendre les morts de De Gaulle, sont des veaux ? Des veaux qui répèteraient après Hiroshima, après Tchernobyl ; "après nous le déluge"!

A cette conclusion, ce petit livre* n'arrivera pas. Avec une lenteur exaspérante, l'homo sapiens s'harmonise et gagne en conscience ce qu'il est sensé perdre en barbarie. Au sortir de la nuit ancestrale, ce primate doué de raison découvre effaré l'étendue des dégâts qu'il a causés, la liste des crimes dont il s'est rendu responsable, la gravité des décisions qu'il a prises et qui hypothèquent son avenir.

Et ce spectacle d'un jardin dévasté le bouleverse. Qu'un traitement semblable ait été infligé à cette planète errante au tour de son étoile lui semble relever de la plus absolue méprise. Comment avons-nous pu salir ainsi l'avenir ? Comment me suis-je à mon tour rendu complice de cela? Et cette prise de conscience qui intervient si tard, au moment où nos sociétés sont déjà otages du nucléaire pour les dizaines de milliers d'années prochains, appelle pourtant notre reconnaissance et nos espoirs...."

Théodore Monod et Jean-Philippe de Tonnac


* "Révérence à la vie" de Théodore Monod (grasset)

 ( source : terre-sacrée )

Publié dans livres

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